L’Aïkido, pour qui, pourquoi ?

L’aïkido véhicule bons nombres de représentions. Entretenues, volontairement  ou non, par la littérature, les pratiquants, l’inconscient collectif,  les films, la fédération, les ligues, vous et moi…………Toutes sont justifiées,  pertinentes, et pourtant, l’Aïkido reste toujours mystérieux.

Pourquoi ? Parce que celles ci disent tout et rien de la réalité que tout  pratiquant débutant rencontrera une fois sur les tatamis.

Pas plus mais pas moins que toute autre discipline, et passé l’enthousiasme de départ, l’aïkido n’échappe à quelques contraintes physiques, psychologiques, un engagement, un apprentissage, une régularité à l’effort,  à la persévérance,  dans les moments de confusion et de doutes…… Et plus l’écart est important entre l’attendu et la réalité, plus la déception est grande.

Alors essayons d’être au plus près de la réalité, sans briser le rêve……..

Pour commencer, le débutant va découvrir des chutes régulières et des sollicitations, qui demanderont pour développer sa pratique, une certaine “condition physique’’. Puis, un partenaire incontournable, avec qui il faudra composer. Une liberté d’action qui supposera ‘’d’oser’’, sans pour autant avoir le bagage technique suffisant. Mais il s’agit ici d’oser une nouvelle gestuelle (perception et image) corporelle.  Suivra une alternance des rôles, qui tantôt nous mettra en “valeur“ par le rôle de TORI (celui qui exécute la technique), tantôt nous demandera une grande humilité pour être UKE (celui qui attaque), s’adapte à la technique, puis chute ou est immobilisé. Mais tout cela en apparence, car dans les faits, personne ne brille s’il n’est éclairé…….(au sens propre comme au figuré)

Nous sommes loin, pour le débutant, d’une pratique sans effort (physique et mental).  Même si curieusement et paradoxalement, nous cheminons exactement  sur la voie qui peut nous amener à cet état de sérénité tant espéré. Mais pas tout à fait de la manière attendue………

Car comment courir si l’on ne sait pas marcher! Comment marcher si l’on ne tient pas debout ?

Comment tenir debout si l’on ne se lève pas ?…….

Cet art martial qui se présente comme une discipline non violente, n’en est pas moins martial! Ce qui suppose du contact!… Cela demandera, lorsque l’on sera dans le rôle de UKE, un réel investissement. Car pourquoi faire de l’aïkido (même si cela n’est pas sa seule raison d’être) s’il n’y a aucune volonté d’agression à notre endroit ? Et comment s’initier à la contrainte d’une attaque sans attaque ? Le rôle de UKE est alors indispensable à cette relation, à ce travail, qui loin d’être passif(le rôle d’UKE), participe à assimiler ce qu’est dans toute sa complexité, la pratique de l’Aïkido.

En retour, et dans cette logique d’alternance, TORI devra pour sa part tempérer son ardeur, sa fougue, sa force, sa volonté, sa frustration! Car pourquoi et comment s’éveiller à soi si c’est pour fléchir à la première sollicitation “contrariante“, qui plus est, éducative? Et que serait alors, notre capacité à préserver notre intégrité et éventuellement celle de l’agresseur, dans une réelle scène d’agression, si nous ne maîtrisons pas, d’abord, nos émotions, afin de maîtriser notre action ?

Du premier salut (y compris  celui de la rue, du vestiaire….),  de l’entrée sur le tapis à sa sortie, aucune forme de soumission n’est requise. Il ne s’agit pas plus de plagier une culture qui n’est pas la notre, ou d’évoluer dans une organisation sociétale figée, qui ne prendrait pas en compte l’évolution des codes sociaux, des repères, des modes de communication.

Aussi, l’intemporalité de cette discipline qu’est l’Aïkido,  ne demande pas tant  la critique de ses rituelles, de sa culture, que de faire preuve d’intelligence  afin d’en saisir le sens et le chemin proposés, adaptés à son environnement.

L’Aïkido ne cache pas ses contraintes,  ne fait aucune promesse, et ne peut donc décevoir ce que chacun d’entre nous vient y chercher. L’Aïkido nous met personnellement au pied du mur,  à une époque ou l’on nous fait croire que nous pouvons avoir tout ce que nous voulons, sans que l’on prenne le temps de se demander si nous voulons tout ce que nous avons……..  L’Aïkido nous propose de déposer pendant un temps l’armure, trop grande, trop petite, trop lourde ou trop légère, alors, autant en profiter………………..

Eric Ramon

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